Dans son livre, «Double Jeu», qui sort ce jeudi, Pascal Papé, l’ex-capitaine du XV de France révèle de façon poignante les brûlures de sa vie. Mais il y parle aussi un peu rugby. Et ça décape.
Extraits de l'interview de Pascal Papé :
Vous n’êtes pas tendre avec la nouvelle génération. Je cite : «Durant mes onze années sous le maillot bleu, j’assisterai impuissant à la disparition progressive de cette intimité collective, et de ses valeurs.» Vous lui reprochez de «manquer un peu de caractère» et vous dites «totalement déphasé»…
Je suis inquiet. Mais je n’y peux rien. La parole des anciens et le maillot bleu n’ont plus la même portée sur ces jeunes qui gèrent leur image et leur carrière comme des artistes du show-biz. On n’a pas du tout été éduqué comme ça nous, dans des centres de formation où tu ouvres le bec et on te nourrit en te disant ‘’tu vas être professionnel de rugby, ce sera ton boulot’’. Le plus important pour eux aujourd’hui c’est combien j’ai de followers sur Twitter, sur Instagram… Tu passes pour un vieux con si, après le dîner, tu ne files pas illico dans ta chambre pour alimenter Twitter. Résultat, lors de la Coupe du monde 2015, on se retrouvait vite tout seul, les trois ou quatre grognards, à table… Pour moi, l’équipe de France, c’était un mythe. Porter le maillot bleu, un rêve inespéré. Le XV de France, pour eux, c’est bien parce que tu deviens bankable ! (Triste) Mais ce n’est pas forcément de leur faute, c’est le rugby qui a évolué comme ça. Quand j’ai été un des joueurs les mieux payés du Top 14, je touchais 25.000 euros par mois. Aujourd’hui, c’est trois fois plus… On ne peut pas comparer. Mais je constate que, petit à petit, les valeurs s’évanouissent. Elles ne seront bientôt plus que dans les livres. Après, il ne faut pas s’étonner quand, dans les vestiaires, la moitié des types ont encore leur casque sur les oreilles à cinq minutes du coup d’envoi.
Le rugby peut-il survivre sans ses valeurs ?
Pour moi, non. Le rugby est un sport de combat où tu te sacrifies pour le mec d’à côté et réciproquement. Tu as besoin de l’autre. Celui qui n’a que 50 followers sur Twitter va sauver la mise à celui qui en a 50.000 (rires). Ces valeurs ont toujours existé. Sans, je ne vois pas comment le rugby pourrait survivre. Ça m’inquiète. Et c’est dommage. Tellement de gens aiment le rugby pour ces valeurs. Elles font partie, pour moi, de l’ADN du joueur. Sans, tu as beau avoir tout le talent du monde, si tu n’as pas les valeurs qui vont avec, ça ne te servira à rien.
Vous constatez la même dérive au Stade Français ?
Un peu moins. Avec Julien (Dupuy) et Sergio (Parisse), on est les garants de ces valeurs. Après nous, je ne sais pas. Mais j’espère. Les jeunes du Stade Français ont une tête bien faite. Ils peuvent prendre le relais. Je suis moins inquiet pour le Stade Français. Les valeurs sont encore là. Dans le vestiaire, il y a un vrai respect pour les anciens. Le ‘’petit’’ Paul Gabrillagues, qui joue pourtant presque tous les matches, est très respectueux de Pascal Papé. Parce qu’il sait ce que j’ai donné. Il aime parler rugby, de ma carrière avec moi. Il y a une transmission.
Sur le terrain, le rugby évolue aussi. C’est de plus en plus physique, avec les dégâts inhérents…
Ça fait un moment que je le signale. Quand tu vois qu’en une journée de la Coupe du monde 2015, il y a plus de blessés que durant toute la Coupe du monde 2011 ! C’est pour ça qu’on ne pouvait plus demander à un mec de venir en équipe de France, de repartir en club, de préparer un match international en trois jours. C’est fini ça. C’était bon il y a vingt ans.
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