1/ UNE DROGUE « INVISIBLE »Au cours de la saisie du 20 mars, puis le lendemain en conférence de presse, seuls des paquets bruns plastifiés ont été présentés. Aucun n’a jamais été ouvert pour faire constater aux occupants de l’avion ou à la presse la réalité de la matière.
Le 27 mars 2013, soit une semaine après l’arrestation, au cours de l’audience de justice devant statuer sur une mise en détention éventuelle, il était annoncé que la drogue avait été entièrement détruite.
Le certificat (INACIF) attestant de la composition de la drogue a été présenté le 2 avril mais la référence du document (N° 2013-03-11-004734) évoque la date du 11 mars 2013, soit 9 jours avant l’opération ! Ces éléments font naitre des doutes légitimes sur le contenu qui a soi-disant été constaté dans les valises saisies à bord du Falcon.
Par ailleurs, la procédure dominicaine liste 26 valises qui auraient été saisies, affectant à chacune d’elles une quantité précise de drogue, mais sans qu’aucun réel pesage n’ait eu lieu la nuit du 20 mars. Ces valises avaient été apportées à l’avion par du personnel en uniforme de l’aéroport.
Or, les photos prises, les vidéos et la présentation des preuves notamment lors de l’audience du 4 février 2014 ne font jamais apparaître 26 valises, mais un nombre compris entre 18 et 22. Lors du procès, le procureur a cette fois présenté 26 valises, mais parmi lesquelles se trouvait celle d’Alain Castany, l’intermédiaire qui a apporté le vol à la compagnie SN THS. Cette « erreur » admise, il ne restait donc plus que 25 valises à la provenance douteuse.
Le chiffre de 26 ne peut s’expliquer que par la prise en compte erronée des valises de l’équipage et des sacoches contenant la documentation aéronautique, telles qu’on les voit effectivement sur une photo générale après l’arrestation.
Or, il n’a jamais été constaté ni même supposé que les valises de l’équipage, de l’intermédiaire du vol et celle contenant la documentation de bord contenaient de la drogue, mais seulement leurs effets personnels et les documents de l’avion : une liste des effets personnels saisis a d’ailleurs été précisément établie.
Dès lors, le document concernant la drogue saisie qui figure dans « l’acte de flagrance » et qui sert de support à toute la procédure judiciaire est erroné puisqu’il peut être considéré qu’au moins 100 kg de de drogue ne pouvaient être contenus dans des valises.
2/ UN RESEAU DE NARCOTRAFIQUANTS NON IDENTIFIEEn préalable, on peut considérer que le transfert international de près de 700 kg de cocaïne valant plusieurs dizaines de millions d’euros ne peut être le fait d’individus isolés n’ayant aucun antécédent judiciaire.
L’opération sur le Falcon était supposément la quatrième d’une série visant un réseau de trafiquants dominicains ; les trois précédentes, n’ayant rien à voir avec le Falcon, mettaient en scène des transferts de drogue d’octobre à décembre 2012 vers la Belgique via une compagnie charter nommée Jet Air Fly .
Les trois premières opérations étaient menées grâce à des agents infiltrés par la DNCD. Elles ont été invalidées par la justice dominicaine au stade de l’audience préliminaire (juin 2014) : la juge a considéré qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes pour donner lieu à un procès. De plus, des journalistes français qui ont enquêté sur l’affaire ont pris contact avec l’office de lutte contre les stupéfiants belge qui a déclaré n’avoir aucune connaissance de ces prétendus trafics vers leur pays. Y a-t-il réellement eu de la drogue à bord de Jet Air Fly , et si oui, qu’est-elle devenue ? Un mystère dominicain de plus...
A ce jour, des quatre opérations de démantèlement du « vaste réseau de trafiquants dominicains » il ne reste donc plus que celle concernant le Falcon qui a fait l’objet d’un procès sur le fond, impliquant à ce titre les 4 français et 10 dominicains (dont 4 seulement seront condamnés) – à comparer aux 54 personnes mises en cause et incarcérées au début de l’affaire.
3/ UNE SULFUREUSE DNCD (office dominicain de lutte contre les stupéfiants)
La DNCD est connue localement et internationalement pour ses pratiques douteuses :
- Le président du syndicat des pilotes dominicains s’en est fait l’écho dans un témoignage diffusé en février par France 2 (magazine 13-15 en format de 40 mn),
- Le 8 septembre 2014, la presse dominicaine a révélé la demande d’extradition émanant des Etats-Unis et de l’Espagne vis-à-vis du général ROSADO MATEO – commandant la DNCD à l’époque des faits et témoin principal de l’accusation. Les journalistes appelaient le président dominicain à faire cesser la protection dont bénéficiaient les responsables de la DNCD et en premier lieu à l’égard du Général ROSADO MATEO dont un des proches venait d’être arrêté dans le cadre d’une opération contre le narcotrafic,
- Un article paru le 12 mars 2013 dans le journal El Caribe, soit 8 jours avant la saisie du 20 mars, indiquait que la DNCD faisait l’objet de critiques de la part du procureur général dominicain BRITO et de
l’organisme nouvellement chargé de l’analyse et de la destruction des drogues saisies (INACIF). Le ministère public reprochait à la DNCD la baisse de ses saisies de stupéfiants au cours du mois de
février 2013, tandis que l’INACIF relevait l’écart entre les quantités saisies et celles qui lui étaient adressées par la DNCD pour destruction depuis que lui incombait cette charge (février 2011). Un
désaccord sur la provenance des drogues saisies apparaissait également. L’ensemble de la situation était dénoncé par l’agence anticorruption dominicaine (ADOCCO). Le procureur général évoquait son
intention de faire passer les services de la DNCD sous son autorité.
Dès le 26 juin 2013, le Général ROSADO MATEO a été révoqué de son commandement sans que lui soit octroyée une quelconque fonction.
Le 12 septembre 2013, le colonel LIRIANO SANCHEZ, qui a été plusieurs fois la cible de la presse dominicaine pour sa collusion supposée avec le narcotrafic, a été incarcéré pour trafic de drogue, blanchiment d’argent et assassinat. Cet officier est l’un des deux signataires de « l’acte de flagrance » établi le soir du 20 mars 2013 et sur lequel repose toute la procédure dominicaine.
Le lieutenant colonel HEREDIA, deuxième signataire « officiel » de « l’acte de flagrance » a contacté l’ensemble des avocats des prévenus en mars 2014 pour expliquer qu’il n’était pas présent à PUNTA CANA le soir du 20 mars 2013, étant de service à Saint Domingue, à plus de 200 km de là. Il a déclaré avoir signé l’acte de flagrant délit le lendemain, sans avoir jamais vu de drogue.
Sur « l’acte de flagrance » lui-même, une signature du colonel HEREDIA est manquante et la qualité du signataire varie selon les feuillets, ce qui constitue déjà en soi un vice grave de procédure.
Enfin il est utile de savoir qu’au lendemain de son arrestation, la carte bancaire de Bruno Odos a été l’objet d’une utilisation délictueuse engendrant un préjudice de plusieurs milliers d’euros. Cette carte, comme tous ses effets personnels, avait été saisie par les agents de la DNCD...
4/ UNE OPÉRATION THÉÂTRALE ET HYPER-MÉDIATISÉEL’intervention de la DNCD contre le Falcon s’est faite en hélicoptère d’assaut, transportant un commando cagoulé et fortement armé à la tête duquel se trouvait le général ROSADO MATEO en personne ; elle a été filmée par un opérateur de l’unité et assortie de commentaires.
L’avion était à ce moment-là au parking avec les portes fermées, les moteurs coupés à l’exception de la génération auxiliaire et les feux de position allumés. L’équipage était en contact avec la tour de contrôle de laquelle il attendait l’autorisation de mise en route depuis près de 40 minutes.
Outre que la DNCD ne pouvait légalement agir sur un avion considéré au titre des conventions internationales comme « en vol » et qu’elle aurait dû être accompagnée des Douanes dans la mesure où elle intervenait sur un aéroport international, il est évident qu’une opération de cette envergure ne s’imposait pas. L’avion n’était pas en fuite, ou « sur le point de décoller » comme cela a été faussement présenté.
Le film qui a été réalisé par la DNCD et transmis à TF1 (voir ci-après) a été monté à partir d’une séquence qui a
duré près de 4 h :
-Dans un premier temps on voit l’atterrissage de l’hélicoptère et l’assaut en temps réel,
-Puis une séquence filmée environ 3h plus tard nous présente les pilotes et passagers ainsi que l’intérieur du Falcon sous le mode de la « découverte ». En réalité, l’avion a été entre temps complètement vidé puis rechargé en désordre pour les besoins du tournage : on voit ainsi les valises des pilotes et le container de commissariat disposés à l’arrière de la cabine alors qu’il y avait des emplacements prévus pour ces éléments, ce qui donne l’image d’un départ précipité avec empilement des bagages à la va-vite, ce qui n’était pas le cas.
La DNCD, par l’intermédiaire d’un général ROSADO MATEO présenté comme un incorruptible menacé par les narcotrafiquants, a organisé ce tournage dont les images seront reprises par la chaîne française TF1 dans un sujet diffusé 15 jours plus tard.
Il est à noter qu’en janvier 2014, le nouveau porte parole de la DNCD a déclaré à un journaliste de France 2 que « la DNCD ne filmait jamais ses opérations ».
5/ UN DOSSIER D’ACCUSATION SANS FONDEMENTLe cœur de l’accusation en République dominicaine repose sur l’argument que l’avion était privé et dédié au narcotrafic.
Une contre-vérité aisément réfutable :
- Le Falcon 50 était en exploitation commerciale chez SNTHS, la compagnie d’aviation d’affaires qui employait Pascal FAURET et Bruno ODOS,
- SNTHS disposait d’un Certificat de Transporteur Aérien à jour délivré par l’administration française,
- Un plan de vol commercial réglementaire avait été dûment déposé et tous les organismes du contrôle aérien concernés de part et d’autre de l’Atlantique en avaient accusé réception, y compris bien sûr les autorités dominicaines,
-Toutes les pièces justificatives, apostillées par la justice française, ont été à nouveau fournies à la justice dominicaine dès le mois d’août 2013 pour plus de garanties.
Le vol est, sans contestation possible, à caractère commercial, pour le compte d’un client identifié, piloté par un équipage de pilotes de ligne sous contrat de travail français auprès de la compagnie SNTHS.
De plus, le vol était assisté par la compagnie internationale SWISSPORT à laquelle une taxe de sûreté avait été acquittée afin d’assurer le contrôle des bagages comme il se doit.
On comprend mal, dès lors, l’argumentation retenue par l’accusation en République dominicaine si ce n’est de justifier une opération qui a eu un retentissement médiatique important.
Le caractère commercial du vol ne permet pas la mise en cause des pilotes du fait de la présence de drogue dans les valises d’un passager.
[…]
Il est aussi à noter que, malgré les efforts du procureur pour sous-entendre le contraire, l’opération concernant le
FALCON 50 n’a aucune connexion avec les trois précédentes « opérations de contrôle » menées de septembre à
décembre 2012, ce qui a précisément été acté par la justice dominicaine à l’audience préliminaire du 17/6/2014.
Il est à noter enfin que le procureur Milciades Guzman, en charge de l’accusation, est l’objet d’une enquête pour
corruption dans une autre affaire au cours de laquelle il aurait perçu 5 000 000 de pesos dominicain afin d’orienter
sa décision.